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Ceci est l'histoire d'une imposture.
Tout avait commencé avec son recrutement à la Capitale. Elle venait de loin, et nul n'avait entendu parler d'elle dans la Contrée. Elle paraissait enthousiaste, fiable surtout. Elle disait vouloir s'investir dans ce qu'on lui proposait. Elle semblait pouvoir apporter beaucoup au Consulat. Les premiers essais se passèrent plutôt bien. Elle fut unanimement approuvée, par tous et par lui en particulier. Plus les jours passaient, plus ils devenaient proches. Elle lui trouvait des petits noms, qu'il acceptait en faisant mine de ne pas les remarquer. L'ambiance bon enfant demeura plusieurs mois avant que n'éclate l'orage.
Mais quelques uns commençaient à comprendre qu'elle étendait dans l'ombre ses tentacules. Depuis le début, elle briguait le Titre de Rubis. Elle investissait des postes qui n'étaient pas les siens, de manière soi-disant provisoire. Elle s'arrangeait pour devenir de plus en plus indispensable, partout. Et quand on y regardait bien, on pouvait déjà lui trouver un petit air de pieuvre. Et nul ne sait quel reflet lui renvoyait son miroir... même le miroir n'a pas voulu le raconter.
La tension montait petit à petit, car au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de son ambition, elle délaissait ce pourquoi elle était venue. Quelques mécontents commencèrent à s'exprimer. Elle les balaya d'un revers de la main. Elle fut nommée Vizir, et seconda le Calife. Le Calife mourut dans le mois qui suivit sa nomination. Le poignard que l'on retrouva à côté du cadavre était devenu fou à cause des atrocités qu'elle lui avait fait commettre. Elle fut enfin nommée au Titre de Rubis. Peu à peu, les autres Consuls de Rubis lui abandonnèrent leur pouvoir, bribe par bribe. Ils finirent pas se transformer eux aussi, le Loup devient une Hyène et le Cobra une vipère.
Son succès la transforma. Elle commença à ressembler réellement à une pieuvre. La métamorphose s'opérait lentement mais sûrement. Un beau matin, on la vit arriver avec un tentacule dans le dos ; il avait poussé dans la nuit, sans même qu'elle s'en rende compte, mais elle l'utilisait déjà avec beaucoup de naturel pour saisir son monde à la gorge. Puis, elle devint capable de projeter un jet d'encre pour camoufler ses incapacités et son inertie. Beaucoup se firent aveugler.
Mais beaucoup d'autres avaient tout simplement peur de s'opposer à la Pieuvre. Elle devenait chaque jour un peu plus grosse et un peu plus puissante, écrasant de plus en plus la Contrée sous son poids.
Mais sur lui, son charme semblait ne plus opérer. C'était déjà ça... mais ce n'était pas suffisant pour mener une révolte.
Jusqu'au jour où la Pieuvre devint tellement énorme que même la Hyène, qui la suivait d'habitude partout, ne pouvait plus l'aider à se déplacer. La Hyène et la Vipère palabrèrent longtemps, haranguèrent et menacèrent la population, mais ne pouvaient pas complètement faire taire les remous qui agitaient les eaux, troublées par trop de jets d'encre.
On construisit un Chariot Royal sur lequel on pouvait transporter la Pieuvre, qui put ainsi continuer à semer panique et jet d'encre sur son passage.
C'est à ce moment qu'il crut comprendre. Avant de s'attaquer à la Pieuvre, il fallait déjà neutraliser son encre. Ensuite seulement, on pourrait se débarrasser d'elle. La nuit, il rêvait d'effaceurs géants et de wok au poulpe, de salade de poulpe, de beignets de poulpe...
Chez d'autres aussi à travers la Contrée, naissait le désir ardent de se libérer du joug incessant de la Pieuvre. Quelques révoltes clairsemées se déclarèrent, et certains villages, aidés par des samourais, reconquirent leur liberté.
La flamme de la révolte anima peu à peu la Contrée, et dévora les eaux noircies par l'encre. Les révoltes extérieures avaient beaucoup occupé la Capitale, et la Pieuvre, par peur des attentats, ne sortait plus de son Palais de Rubis. Lorsque l'agitation gagna la Capitale, les habitants investirent le Palais. La Hyène et la Vipère furent écorchés, et leur peau se balança aux remparts de la ville.
Mais lorsqu'on voulut aller régler son compte à la Pieuvre, la cause de tous les malheurs de la Contrée, lorsque l'on pénétra en hurlant dans la Salle du Trône, on y vit un curieux et macabre spectacle.
Devenue si énorme qu'elle avait fait plier son Trône, la Pieuvre les fixait de ses yeux morts. Elle s'était étouffée elle-même sous son propre poids. Ses tentacules figés dans les airs témoignait de sa lutte pour parvenir à respirer.
L'envie de wok au poulpe s'était effacée à la vue de ce hideux cadavre. On se retira, laissant la Pieuvre ainsi figée sur son Trône. On abandonna la Capitale et on reconstruisit une Ville Nouvelle, loin des mauvais souvenirs et des émanations d'encre qui, durant de longues années, frappaient les narines de qui s'approchait de l'Ancien Palais. Les ronces envahirent la ville et la recouvrirent du sceau mortel de l'oubli.
Mais si la douleur s'était éloignée dans les mémoires, on n'oubliait pas pour autant la Pieuvre fatale, que les légendes grossissaient à plaisir ; et les plats à base de Poulpe restèrent longtemps la tradition des jours de fête.
Un beau jour de printemps, des siècles plus tard, un historien pénétra dans l'Ancienne Capitale. Il était le premier à en fouler le sol depuis le jour de la Libération. Il voulait vérifier les légendes... Mais lorsqu'il pénétra dans la Salle du Trône, il eut une surprise.
En lieu et place de l'impressionnant squelette qu'il s'attendait à trouver sur le Trône de Rubis, il n'y avait rien d'autre une minuscule petite arête de poisson.
Les gros poissons dans les petites mares finissent toujours par manquer d'eau.
Tout avait commencé avec son recrutement à la Capitale. Elle venait de loin, et nul n'avait entendu parler d'elle dans la Contrée. Elle paraissait enthousiaste, fiable surtout. Elle disait vouloir s'investir dans ce qu'on lui proposait. Elle semblait pouvoir apporter beaucoup au Consulat. Les premiers essais se passèrent plutôt bien. Elle fut unanimement approuvée, par tous et par lui en particulier. Plus les jours passaient, plus ils devenaient proches. Elle lui trouvait des petits noms, qu'il acceptait en faisant mine de ne pas les remarquer. L'ambiance bon enfant demeura plusieurs mois avant que n'éclate l'orage.
Mais quelques uns commençaient à comprendre qu'elle étendait dans l'ombre ses tentacules. Depuis le début, elle briguait le Titre de Rubis. Elle investissait des postes qui n'étaient pas les siens, de manière soi-disant provisoire. Elle s'arrangeait pour devenir de plus en plus indispensable, partout. Et quand on y regardait bien, on pouvait déjà lui trouver un petit air de pieuvre. Et nul ne sait quel reflet lui renvoyait son miroir... même le miroir n'a pas voulu le raconter.
La tension montait petit à petit, car au fur et à mesure qu'elle se rapprochait de son ambition, elle délaissait ce pourquoi elle était venue. Quelques mécontents commencèrent à s'exprimer. Elle les balaya d'un revers de la main. Elle fut nommée Vizir, et seconda le Calife. Le Calife mourut dans le mois qui suivit sa nomination. Le poignard que l'on retrouva à côté du cadavre était devenu fou à cause des atrocités qu'elle lui avait fait commettre. Elle fut enfin nommée au Titre de Rubis. Peu à peu, les autres Consuls de Rubis lui abandonnèrent leur pouvoir, bribe par bribe. Ils finirent pas se transformer eux aussi, le Loup devient une Hyène et le Cobra une vipère.
Son succès la transforma. Elle commença à ressembler réellement à une pieuvre. La métamorphose s'opérait lentement mais sûrement. Un beau matin, on la vit arriver avec un tentacule dans le dos ; il avait poussé dans la nuit, sans même qu'elle s'en rende compte, mais elle l'utilisait déjà avec beaucoup de naturel pour saisir son monde à la gorge. Puis, elle devint capable de projeter un jet d'encre pour camoufler ses incapacités et son inertie. Beaucoup se firent aveugler.
Mais beaucoup d'autres avaient tout simplement peur de s'opposer à la Pieuvre. Elle devenait chaque jour un peu plus grosse et un peu plus puissante, écrasant de plus en plus la Contrée sous son poids.
Mais sur lui, son charme semblait ne plus opérer. C'était déjà ça... mais ce n'était pas suffisant pour mener une révolte.
Jusqu'au jour où la Pieuvre devint tellement énorme que même la Hyène, qui la suivait d'habitude partout, ne pouvait plus l'aider à se déplacer. La Hyène et la Vipère palabrèrent longtemps, haranguèrent et menacèrent la population, mais ne pouvaient pas complètement faire taire les remous qui agitaient les eaux, troublées par trop de jets d'encre.
On construisit un Chariot Royal sur lequel on pouvait transporter la Pieuvre, qui put ainsi continuer à semer panique et jet d'encre sur son passage.
C'est à ce moment qu'il crut comprendre. Avant de s'attaquer à la Pieuvre, il fallait déjà neutraliser son encre. Ensuite seulement, on pourrait se débarrasser d'elle. La nuit, il rêvait d'effaceurs géants et de wok au poulpe, de salade de poulpe, de beignets de poulpe...
Chez d'autres aussi à travers la Contrée, naissait le désir ardent de se libérer du joug incessant de la Pieuvre. Quelques révoltes clairsemées se déclarèrent, et certains villages, aidés par des samourais, reconquirent leur liberté.
La flamme de la révolte anima peu à peu la Contrée, et dévora les eaux noircies par l'encre. Les révoltes extérieures avaient beaucoup occupé la Capitale, et la Pieuvre, par peur des attentats, ne sortait plus de son Palais de Rubis. Lorsque l'agitation gagna la Capitale, les habitants investirent le Palais. La Hyène et la Vipère furent écorchés, et leur peau se balança aux remparts de la ville.
Mais lorsqu'on voulut aller régler son compte à la Pieuvre, la cause de tous les malheurs de la Contrée, lorsque l'on pénétra en hurlant dans la Salle du Trône, on y vit un curieux et macabre spectacle.
Devenue si énorme qu'elle avait fait plier son Trône, la Pieuvre les fixait de ses yeux morts. Elle s'était étouffée elle-même sous son propre poids. Ses tentacules figés dans les airs témoignait de sa lutte pour parvenir à respirer.
L'envie de wok au poulpe s'était effacée à la vue de ce hideux cadavre. On se retira, laissant la Pieuvre ainsi figée sur son Trône. On abandonna la Capitale et on reconstruisit une Ville Nouvelle, loin des mauvais souvenirs et des émanations d'encre qui, durant de longues années, frappaient les narines de qui s'approchait de l'Ancien Palais. Les ronces envahirent la ville et la recouvrirent du sceau mortel de l'oubli.
Mais si la douleur s'était éloignée dans les mémoires, on n'oubliait pas pour autant la Pieuvre fatale, que les légendes grossissaient à plaisir ; et les plats à base de Poulpe restèrent longtemps la tradition des jours de fête.
Un beau jour de printemps, des siècles plus tard, un historien pénétra dans l'Ancienne Capitale. Il était le premier à en fouler le sol depuis le jour de la Libération. Il voulait vérifier les légendes... Mais lorsqu'il pénétra dans la Salle du Trône, il eut une surprise.
En lieu et place de l'impressionnant squelette qu'il s'attendait à trouver sur le Trône de Rubis, il n'y avait rien d'autre une minuscule petite arête de poisson.
Les gros poissons dans les petites mares finissent toujours par manquer d'eau.
Illustration concoctée par Harmonie ! Merci Harmonie-chan !
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