Étendue sur mon lit, mes yeux ne quittaient pas le plafond un seul instant.
Comme à son habitude, le sommeil me fuyait, et le léger tic tac du réveil me rappelait douloureusement que cela faisait plusieurs heures, trop d'heures, mais pas encore assez pour que le matin soit là. Je me tournai doucement, et mes yeux glissèrent jusqu'au mur vide de toute décoration, d'un gris souris triste au possible. Je ne pensais à rien. Le tic tac continuait, semblant plus fort à chaque coup, résonnant dans ma tête et comblant le silence de la pièce. La nudité de ses murs, l'absence de meubles autres que mon lit, amplifiait le bruit et le rendait plus assourdissant que jamais. Il montait en puissance encore et encore. Déformé par cette dernière, le côté répétitif disparut, ce n'était plus qu'un enchaînement de sons sans aucune logique, une simple suite de notes brutales et affranchies de toutes règles, une véritable cacophonie. L'ensemble donnait une véritable explosion musicale, un son fort et rapide qui s'infiltre dans le corps et le fait trembler. Passant des pieds au cerveau, une vague qui déferle et arrache toutes pensées inutiles, se déverse dans la cage thoracique et fait augmenter le rythme cardiaque, s'enroule le long de la colonne vertébrale comme pour la briser, et enfin, arrivée à la tête semble vouloir pousser les mâchoires et sortir dans un cri désespéré. Et y réussit.
Je criai ma douleur de vivre et mon attente de la mort, et ces hurlements sauvages, que toute personne extérieure eût sans doute comparés à un chant tant ils semblaient complémentaires avec le morceau joué par le réveil, mais qui n'était rien d'autre que l'expression de mon mal-être, laissèrent place à une mélodie plus désordonnée et violente encore à leur fin, et me laissant moi incapable du moindre mouvement, totalement anesthésiée et vidée de mes sentiments.
Et pourtant... L'écoute de cet ode instrumentale au néant et à la folie apparemment sans début ni fin apaisa mon esprit privé de sommeil depuis déjà trop longtemps, et, pour la première fois depuis des mois, mes paupières devinrent lourdes. Bercée par le réveil qui continuait son vacarme, je m’endormis dans un soupir.
Ce ne fut qu'une semaine plus tard, quelques collègues affables et hypocrites étonnés de ma longue absence ayant prévenu mon chef puis la police, que je fus retrouvée toujours étendue sur mon lit, mes yeux fermés dirigés vers le mur.