Bon... retour des commentaires culturels de Dôji Rinne !
Quelques erreurs de traductions au début... D'abord, dire que les Onmyô-ji sont des "prêtres ayant des pouvoirs magiques" est extrêmement simplifiés. Il serait plus exact de les qualifier de "mages", car ils ressemblent aux rois-mages (vous savez, la naissance de Jésus, la galette des rois...) sauf qu'ils étaient pas rois.
Un Onmyôji était savant dans de multiples domaines de savoir ancien, tels que la géomancie, l'astrologie (à l'époque du Croissant Fertile, c'était considéré comme une "connaissance pratique"), la cosmologie chinoise "Wu Xing" et des éléments magiques originaires du Taoïsme et du Bouddhisme (tels que les "Kuji-in", les cérémonies Henbai et Taizanfukun-sai....). Ils étaient chargés de la protection spirituelle de la Capitale Impériale en particulier, et du Japon en général, et jouèrent un rôle de premier plan à chaque fois qu'on déplaçait la Capitale, car il fallait choisir un lieu géomantiquement propice. Les maîtres du Feng Shui faisaient ça aussi en Corée, en Chine et au Vietnam. Ceux qui travaillaient pour la Cour, au sein du "bureau Onmyô" (Onmyô-ryô) étaient aussi chargés du calendrier, et jouaient un rôle dans les funérailles des hauts fonctionnaires (les Pontes quoi...) pour les empêcher de revenir sous la forme de fantômes "Go-ryô" (cf. spoiler).
Bref, ils devaient s'y connaitre dans plein de domaines pour remplir leur rôle, un peu comme Patrick Jane qui connait toutes les ficelles du métier d'escroc !
Ils étaient aussi supposés avoir un sixième sens leur permettant de voir les esprits, invisibles à l'oeil nus, et les aidant à créer des "shikigami", càd des serviteurs yôkai. Mais ce 6è sens ne pouvait pas s'acquérir, il fallait naître avec, et du coup nombre d'onmyôji en était incapable. On pensait aussi que ça se transmettait plus facilement par le sang, justifiant ainsi les privilèges d'une lignée de onmyôji. Et puis, aux époques classiques et médiévale, tout le monde avait peur des malédictions dont les onmyôji étaient soit-disant capable. Alors, à l'époque Meiji, l'Empereur était méga piss off après eux, probablement à cause de ça, et a décrété que, vue les lumières de la Raison apportés par les occidentaux, le Onmyôdô était une superstition débile et la fît interdire. Mais de nos jours c'est légal, et comme vous pouvez le voir, entré dans la culture populaire.
- Hokuto : le nom japonais de la Grande Ourse. C'est le prénom d'une perso de X de Clamp, qui est Onmyôji, elles ont la même coupe de cheveux d'ailleurs. En Chine, la constellation du Hokuto était considérée comme l'étoile de l'Empereur, son protecteur céleste. Et dans le roman historique "Pour l'Empereur !" de Yi Munyol, le personnage principal est réputé la réincarnation du dieu du Hokuto.
- Tsuchimikado-ke : le clan Tsuchimikado était une famille de la classe "Kuge" (aristocratie). Le Kuge était en gros la noblesse de Cour, et avait un statut social supérieur à celui des "Buke" (familles de guerriers, noblesse d'épée), ce qui leur permettait d'accéder à des postes bureaucratiques plus élevés. Certains clans monopolisaient des places en particuliers, voire des Ministères, Bureaux ou Services entiers. En l'occurence, le clan Tsuchimikado a eut le contrôle du "Bureau du Yin et du Yang" (Onmyô-ryô) pendant presque toute l'Histoire japonaise.
- le chien d'Harutora : ses poils blancs au-dessus des yeux évoquent une ancienne mode de sourcils peints en noirs, en vigueur à l'époque Heian.
- les masques : Harutora propose à Hokuto un masque "Otoko". Dans les pièces comiques du Noh, c'est le masque d'un paysan quarantenaire, c'est pour ça qu'elle s'énèrve...
- les stands des O-matsuri / fêtes foraines / festivals japonais : les stands sont souvent, par tradition, contrôlé ou du moins liés aux yakuza. Comme dans nos fêtes foraines, il y a des petites combines pour faire rentrer l'argent, des trucages, etc. Par exemple, le coup de l'attrape poisson rouge, la cloison en papier est fine, et un brin plus fragile sur un modèle sur deux, ou un truc de ce genre. Parfois, les lots aux stands de tir doivent non seulement être touchés, mais aussi "renversés"... pas évident avec un calibre aussi pourri, hein ?
- Jûni Shinshô, les douze généraux divins : en Chine ancienne, le terme "shô" traduit généralement comme "général" (lol) désigne moins le commandant d'une armée qu'un guerrier dont le talent et la réputation sortent de l'ordinaire (ou que l'on veut flatter dans un discours de type officiel...). Ainsi, les Jûni Shinshô sont des dieux protecteurs du Onmyôdô, la Voie du Yin et du Yang. Abe no Seimei était réputé pour les avoir tous transformé en Shikigami à son service exclusif, grâce à ses pouvoirs sans égal. Ils jouent un rôle de premier plan dans le manga Shônen Onmyôji.
En Chine ancienne et au Japon, les gens sont férus de surnoms à consonnance culturelle et folklorique, tels que "dragon endormi", "dragon borgne", "le tigre de...", "dieu de la guerre" (Senjin), les "Quatre Rois Deva" ("Shiten'ô", un groupe de dieux bouddhistes des directions cardinales, surnom aussi attribué aux quatre samouraïs d'élite qu'avaient rassemblés autour de lui Minamoto no Yoshitsune), etc. Ca confère un aspect "classe" (dans tous les sens du terme) à celui qui s'est bati une réputation.
- Dairenji Suzuka : il semble que la petite blonde avec des couettes à l'anglaise soit à la mode au Japon. Ne me demandez pas, je ne sais vraiment pas où ils sont allés pêchés ça... ><
- Asura : en japonais, "Ashura" ou "Shura". A l'instar du "daemon" greco-romain, c'est un concept très flou et complexe. Il s'agit de démons belliqueux, de dieux-démons et / ou totu simplement d'êtres supérieurs aux humains mais inférieurs aux dieux "Deva". Les Deva de l'Hindouhisme sont eux aussi très compliqués.
A l'époque Heian, on pensait que puisque l'Empereur était le représentait de l'autorité des dieux célestes (Amatsukami) sur Terre, ses ministres et proches collaborateurs pouvaient après leur mort obtenir une influence sur les affaires divines similaires à ce qu'ils avaient de leur vivant... Et si leur mort avait eut lieu dans de... mauvaises circonstances... leurs regrets pouvaient les pousser à se venger avec l'abritraire caractéristique de la Bureaucratie. Sauf que voilà, une Bureaucratie divine est supposée faire encore plus de dégâts quand elle part en vrille, vu que ses pouvoirs et responsabilités sont plus grandes que celles des bureaucraties humaines ! Logique ! XD
L'un des plus célèbres Go-ryô est Sugawara-no-Michizane, un très grand homme d'état qui fut evinscé de la Cour par des rivaux politiques jaloux. A l'époque, l'exil était très pénible pour les courtisans, c'était un chatiment semblable à celui que subis Napoléon à Sainte-Hélène, où il perdit tout son confort d'un seul coup, plus personne ne le respectait et il vivait dans un lieu morne et au climat insuportable. Quand il partit de la Capitale, Michizane laissa un poème très triste évoquant les pruniers de son jardin. Quand Michizane mourrut, des catastrophes naturelles et moins naturelles frappèrent la Cour et la Capitale, et les onmyoji statuèrent que le seigneur Michizane était devenu un honorable spectre vengeur (Go-ryô). Pour acheter son pardon, ses ennemis et l'Empereur lui construirent un temple et le firent devenir le dieu de la littérature sous le nom de Tenjin (kami céleste ou dieu-deva). Aujourd'hui, les étudiants lui font de la lèche... (des prières pardon), avant de passer leurs exams !
Un autre est le plus puissant Yôkai du Japon, la légende affirme qu'il a conditionné l'Histoire du Japon pendant des siècles jusqu'à l'ère moderne. C'est Sutoku-Tennô, un empereur défunt. Il mourut dans des circonstances très délicates politiquement, et un parti d'opposition le força à abdiquer et à aller en exil loin de la Capitale de Kyoto. Mais Sutoku était un homme de bonté et de pardon, alors il devint moine bouddhiste et passa ses journées à copier des sûtra et à méditer. Puis, il envoya son ouvrage à ses ennemis , en cadeau d'adieu. Mais son geste fût mal interprété, peut être à dessein, et on l'accusa de vouloir maudire la Cour !Ainsi, l'Empereur retiré périt dans la solitude et les regrets, et à sa mort devint un Dai-Tengu ! OMG ! Ange Déchu style !
D'abord, pour se rappeller aux bons souvenirs de ses ex-mauvais sujets, Sutoku commença par rassembler et concentrer ses pouvoirs. Régulièrement, des Tsunami et des typhons frappent le Japon, et à l'époque, on pensait que c'était sa faute ! Imaginez que le directeur de votre entreprese démissionne et parte en vous claquant la porte au nez, et en foutant le gwos bowdel dans l'administration et les actions de l'entreprise... ça c'est du Rage-quitting ! Sauf que le rage-quit de Sutoku-Tennô s'étant à travers les siècles.
Non content de foutre le boxon au Sud du pays, Sutoku profita de ses noiveaux pouvoirs troo D4rk pour soutirer rapidement mais subtilement le pouvoir politique aux griffes du clan Fujiwara, ceux qui l'avaient fait souffrir, pour le remettre dans les mains du clan Taira. Il commença d'abord par rassembler TOUS les samouraïs du pays en deux factions, l'une sous le commandement de la fine fleur du clan Taira, et l'autre aux ordres du clan Minamoto. Puis, choc des titans !!!
Mais quand le clan Taira fît mine de se rapprocher de la Cour et des Fujiwara, Sutoku changea encore d'avis et le refila aux Minamoto ! Le bébé empereur, Antoku-Tennô, petit fils du chef du clan Taira, fût même contraint à se suicider par noyade, signant ainsi la défaite spirituelle totale des Taira et des Fujiwara, au profit de la victoire des Minamoto, et donc des dieux Hachiman et Sutoku-Tennô. Les Minamoto, conscients des erreurs du passé et tout aussi superstitieux que les perdants ; fuirent l'influence pernitieuse et féminisante de Kyoto pour s'installer dans des villes minuscules à la campagne, dans le Kantô, qu'ils agrandissaient ensuite. Ce fûrent Kamakura et Tokyo !
Officiellement, Sutoku s'est calmé depuis et à fait "Jo-butsu" (litt. Devenir Biuddha, reposer en paix) comme les autres Empereurs. Mais qui sait, un désastre tout récent à terriblement nuit au Japon... via un Tsunami. A l'époque, les membres les plus hauts placés du Gouvernement se demandaient même si le Japon pourrait continuer d'exister en tant qu'état ! Alors qui sait si la politique du Japon contemporain n'a pas déplu à sa majesté... je suis sûr qu'il y en a qui se sont posés la question.
Bref, tout ça pour dire qu'au Japon de l'époque Heian, le Onmyôdô s'était du sérieux. Valait mieux prévenir que guérir.