Helen était seule, dans un long couloir où régnait une pénombre oppressante. Elle ne saurait dire précisément depuis combien de temps elle avait commencé à l’arpenter. Il se dessinait, sans fin, devant elle. Aucune issue n’était visible. Soudain, une silhouette apparut. Peter était en face de la jeune femme et lui souriait. Puis, il pivota, lui tournant le dos, et avança à une allure rapide. Helen vit la distance qui les séparait grandir de plus en plus, alors qu’elle courait aussi vite qu’elle pouvait. Elle ne pouvait pas l’atteindre. Epuisée, elle fit un faux pas et trébucha, heurtant violemment le sol.
***
Helen se redressa brutalement, essoufflée, effrayant le soldat qui se tenait debout devant sa porte. Elle reconnut, rassurée, l’uniforme du M16. Elle regarda autour d’elle : elle se trouvait dans un grand lit d’une chambre d’hôtel, probablement étoilée d’après la décoration riche et sophistiquée de la pièce. Elle poussa un profond soupir et se laissa retomber dans ses draps. Elle avait juste fait un mauvais rêve.
Elle enfila une ample robe de chambre en satin bordeaux accrochée sur un porte-manteau et alla s’asseoir sur le rebord de l’imposante fenêtre aux vitres impeccables. Elle devait être approximativement au sixième étage de l’hôtel, vu la hauteur qui la séparait du sol. Elle aperçut alors une chose qu’elle ne pensait pas revoir avant des mois : un vaste bosquet au sein d’une ville immense, où des arbres tentaient une résistance au milieu des immeubles, des routes, du vrombissement des moteurs des taxis, voitures et transports en commun. Le parc était bondé de promeneurs, d’hommes d’affaires et de femmes en tailleur, de familles en train de pique-niquer, de groupes d’amis. Helen leva les yeux. A côté de ce coin de verdure se dressait la Tour Eiffel, qu’elle avait déjà aperçue à sa dernière visite à Paris avec Peter. Tout ça était si loin derrière elle.
La jeune femme s’adressa au militaire, toujours posté au même endroit, silencieux :
« -Quel jour sommes-nous ? »
L’homme hésita à répondre :
« -31 octobre.
-Et que s’est-il passé à la base russe ? »
Cette fois-ci, le soldat se rembrunit :
« -Ecoutez, vous savez, moi, je suis là pour surveiller. Les consignes sont que personne ne doit rentrer. Après, si vous voulez des infos, je suis pas qualifié pour répondre. Le chef m’a dit de vous transmettre qu’il faudrait que vous le rejoigniez dans la chambre 304 quand vous serez réveillée.
-D’accord, d’accord. Je peux sortir alors ?
-Bien sûr, allez-y, lui répondit-il en ouvrant la porte.
-Mes affaires ?
-Elles sont toutes dans la chambre 304.
-Merci. »
Helen sortit de la pièce et suivit la direction que lui indiquait l’homme.
« -Encore des couloirs… » maugréa-t-elle.
Elle arriva devant la porte de la chambre 304 : « Chambre 304 / Salle des conférences ».
La femme frappa doucement. Pas de réponse. Elle recommença, en y mettant un peu plus de force. Toujours rien. Puis, alors qu’elle allait rebrousser chemin, l’entrée s’ouvrit et laissa place à un homme, vêtu du même uniforme que celui qu’elle avait rencontré dans sa chambre, les cheveux roux coupés en brosse.
« -Bonjour, on m’a dit de…
-Entrez », lui souffla-t-il en balayant le couloir du regard, méfiant.
Helen franchit le seuil et, une fois les serrures soigneusement verrouillées, le soldat roux lui fit signe de le suivre. Elle découvrit la salle de conférence : les lumières éteintes, de nombreux militaires haut-gradés au costume bleu-marine étaient assis autour d’une longue table rectangulaire en verre. Au bout de cette table se tenait un homme d’un âge avancé, qui semblait présenter un diaporama grâce au rétroprojecteur intégré au plafond. En apercevant Helen, celui-ci tapa dans ses mains et tous les membres de la réunion se turent.
« -Notre invité d'honneur est arrivé. La réunion peut donc commencer. Helen, je te prie de t’installer dans le siège libre devant toi. »
Intriguée, elle s’exécuta sans poser de question.
« -Bien. Mme Harner, prête à prendre note ? »
La secrétaire, au visage caché par l’obscurité de la pièce, acquiesça.
« -Parfait. Donc. Premier point à aborder : la personne capturée lors de l’opération qui a eu lieu récemment en Russie. »