Définitions, tout d'abord.
Une
épée est basiquement une lame droite à double tranchant.
Arme de taille et d'estoc, polyvalente. Il y a aussi certaines épées (type rapières) qui se spécialisent dans l'estoc et sont peu ou pas utilisables pour les coups de tailles. Vous pouvez par exemple faire l'expérience en prenant un couteau et enfonçant la pointe dans un morceau de viande.
Un
sabre est une lame avec un seul tranchant. Pas systématiquement courbe, mais la courbure permet de mieux profiter des qualités du sabre, donc la courbure est plus courante.
Arme de taille. En général, un sabre est trop court et trop recourbé pour que la pointe soit utilisable en situation réelle, donc c'est uniquement une arme de taille.
L'utilité d'une épée, c'est que la pointe permet de percer plus facilement une armure. En exerçant son poids, sa force, sur la garde de la lame, l'énergie produite permet d'enfoncer l'arme plus facilement. Le fait que la pointe soit plus ou moins façonnée en triangle aux bords et au sommet aiguisés y est bien sur pour quelque chose.
L'utilité d'un sabre vient surtout pour les cavaliers. Car la coupe est délivrée en profitant de la vitesse de la monture et en y ajoutant celle de l'action de l'attaque (le mouvement du bras). En fait, le choc se répercute dans la structure de la lame et est absorbé par le dos, la partie non-aiguisée, qui est plus épaisse qu'une partie aiguisée. Vous pouvez expérimenté la façon d'utiliser un sabre avec un couteau et un morceau de viande... le plus souvent quand on utilise un couteau pour couper de la viande, on fait des va et viens, on "scie" le morceau de viande. Mais si la lame est bien aiguisée, bien tranchante, et que la coupe consiste en un mouvement ample, fluide et puissant, alors on s'enfonce loin dans la chair en un seul mouvement (éventuellement, ne tentez pas ça à table, si vous voulez faire "plus" que le figurer mentalement, prenez plutôt un établi, un couteau de cuisine ; soyez prudents et faites attention à vos doigts... ou alors regardez faire un boucher
).
Par ce que "aiguiser" revient à faire mincir un bord et aplanir le fil de la lame, en quelque sorte, l'épée ne dispose pas de ce phénomène d'absorption des chocs, au contraire les deux bords aiguisés reçoivent en part égal le choc. Le fait que le sabre soit, intrinsèquement, plus massif qu'une épée de taille comparable, rajoute encore à l'efficacité de cette absorption, mais également à la puissance de la coupe (car ce qui fait la puissance d'une frappe tient dans deux critères : l’efficacité du tranchant et le poids de l'arme).
Paradoxalement, cela rend l'épée plus utile contre les soldats en armures, car il y a alors un effet contondant : le choc se répercute au-delà de l'armure dans la chair et les os du type en armure (il y a aussi un choc dans la main et le bras du gars qui frappe, que ça soit à l'épée ou au sabre, mais le choc est moins grand). Le même phénomène d'absorption rend le sabre moins efficace qu'une épée contre un type en armure. C'est aussi pour ça que certains cavaliers avaient des sabres très très courbes, je citerais par exemple les cimeterres, conçus à l'origine par des cavaliers.
Alors, pourquoi les katana sont-ils ventés comme des armes supérieures ? Eh bien en premier lieu, il y a la qualité métalurgique supérieure du "Tamahagane", l'acier qu'utilise les forgerons japonais traditionnels. Le Tamahagane est si beau et solide que la métalurgie moderne rame derrière. L'acier industriel est d'une qualité largement inférieur, c'est pourquoi les katana que l'on vend sur internet sont relativement pas chers, tandis que ceux produits au Japon comme des armes de luxe par des maîtres réputés se vendent jusqu'à 20 000€ environ. Les coûts de production, d'achat et la rareté du minerais Tamahagane à notre époque cause ce prix exorbitant.
En fait, pour ceux qui aiment la SF, le Tamahagane est l'alliage le plus proche de l'adamantium de fiction (généralement un alliage à base de titane ou en fibres de carbone). Enfin, parmi ceux qui sont connus publiquement : l'armée ou les universités américaines ont sans doute cherchés à produire des alliages plus solides et avec un meilleur comportement de coupe ; au moins histoire de rafler un Nobel (c'est typique des ricains, ça).
Car pendant la forge, le Tamahagane absorbe de grandes quantités de carbones (le composant des diamants, le matériau le plus solide connu au monde). En plus de cela, le Tamahagane est un métal conciliant les deux types de fer, le fer solide et le fer mou. Le mou est plus facile à aiguisé et donc plus tranchant mais se casse facilement. Le fer solide a un moins bon comportement de coupe mais est plus durable. Pendant longtemps, les forgerons utilisaient uniquement le fer dur et produisaient des armes peu tranchantes. En occident, le problème fût résolu par les forgerons de Tolède et de Damas ; aujourd'hui encore l'acier damassé est réputé de part le monde pour ses motifs artistiques et ses qualités métallurgiques (mais le Tamahagane demeure objectivement supérieur sur ce point au Damassé).
Ensuite, comme vous l'aurez remarqué,
les katana ne
sont pas des épées, mais
des sabres, car ils n'ont qu'un seul tranchant et un dos plus épais. En outre, ils sont longs et ont une faible courbure (à l'exception des Tachi, l'ancêtre du katana, qui était utilisé essentiellement par les cavaliers). Ils sont aussi très solides et tranchants. L'équilibre est fait entre tranchant et poids, car si la majorité des nihontô type katana tendent à se spécialiser vers le tranchant et à être des armes légères et maniables (un katana pèse en moyenne entre 800 grammes et 1,20kg, plus généralement 1kg), il existe aussi des armes plus lourdes (le nodachi par exemple, ou les katana du forgeron Dôtanuki, qui les faisait volontairement plus épais et donc plus lourds) ; de plus contrairement à la majorité des sabres et épées, les katana se manient à deux mains, mais peuvent aussi l'être à une seule main ; le fait de manier à deux mains permet des coupes plus puissantes et rectilignes. Ils sont bien équilibrés et polyvalents à l'usage ; des petits trucs sont même prévus pour renforcer le confort d'utilisation ou la polyvalence. Par exemple : la poignée est couverte de coton et de peau de requin, ce qui absorbe la sueur des mains (et empêche la poignée de devenir glissante, contrairement à nombre d'épées qui sont forgées d'un seul bloc). Autre exemple : le fourreau et la forme de la lame permettent de couper tout en dégainant (cf. Iaijutsu / Iaidô / Battôjutsu / Battôdô), ce qui n'est pas le cas avec une épée.
Il existe aussi des variantes sur le nihontô de type katana, comme par exemple le modèle avec un "tantô" forgé dans la soie (nakago) du sabre et dépassant du pommeau : un design créer par Horikawa Kunihiro (16è & 17ème siècle). Bien pratique pour donner des "coups de crosses" ! En outre, dans ce cas-ci, la seconde lame peut être en forme d'épée, droite et à double tranchants, permettant de faire plus facilement un trou dans une cotte de maille ou l'équivalent japonais ancien des gilets par balles (des cuirasses légères en fait, portée sous les vêtements).
Ou encore le katana "Kogarasu Zukuri", soit avec une pointe à double-tranchant, modèle inventé dit-on par le créateur du Tachi, le forgeron semi-légendaire Amakuni (8ème siècle). Oui, double-tranchant, et donc cumulant les avantages de l'épée et du sabre - on se rapproche un peu de l'arme ultime. De la triche ? Non, du savoir-faire.
(D'ailleurs, Busujima Saeko utilise un Kogarasu Zukuri).