par Nox » 08 Jan 2014, 20:43
"Ride Back" est typiquement le genre d'anime que je repère sur AU, en me disant "wé, à surveiller, peut être un jour". J'écris ce commentaire alors que je termine juste le générique du dernier épisode. Je vais essayer de pas me laisser trop emporter... Mais franchement, j'ai trouvé ici l'une des plus belles perles de la japanimation que j'aie jamais eu le privilège de découvrir. J'ai beau être malade comme un clébard asmathique et creuvé à cause de ça, je l'ai bouffé tout cru d'une traite...
C'est le genre d'anime qui étonne à chaque image, malgré ses imperfections (rares), de telle sorte qu'on se demande bien si ca va tenir ce niveau jusqu'au bout. Et ça le tient... Mais seulement si on ne se trompe pas de sujet en le regardant. On a pu dire que "Ride Back" pouvait traiter d'une sorte de reconversion dans les sports mecaniques d'une passionnée de danse classique de 18 ans, qui a dû arrêter sa jeune carrière sur blessure, incapable du coup de rattraper la légende lumineuse de son incroyable danseuse étoile de mère... C'est pas totalement faux, mais c'est pas totalement vrai non plus. Il se trouve seulement qu'avec les Ride back, Ogata trouvera une nouvelle façon de danser, et-c'est-tout!. Et même si l'anime a l'air de tourner autour d'une guerre, de terrorisme, de sport mecanique à deux roues, ben le vrai sujet de la série est diamétralement opposé à tout ce bordel: le vrai thème qui soutient la protagoniste et l'anime est "la passion de la danse classique"... Eh ouais. Parce que si on comprend bien ça, tout ce qui pourrait surprendre, énerver, ou rester incompréhensible devient limpide, logique, et touchant.
Cette passion est une raison de vivre parce que le sentiment procuré, tel que démontré par la mère d'Ogata, devient une forme d'accomplissement euphorique total de l'être. Pour être cru, c'est juste mieux que le sexe... Et toute la vie d'Ogata tourne autour de cette joie indicible que procure la danse: ce sentiment de voler, de briller, et d'apporter la lumière, d'être, d'exister, et d'exprimer des choses qu'aucun mot ne pourrait traduire; un plaisir à la fois égoïste et qui tend à être partagé avec le plus grand nombre. Le monde pourrait s'écrouler, des poulets aux hormones piétiner la Tour Eiffel du haut de leurs 192m de gigantesque haine revancharde, ça la concernera peu. Son champ de responsabilité est d'apporter des choses au public, et son domaine, c'est pas la guerre, mais la danse, même si elle nous offre quelques moments assez épiques sur son vélo à bras (wé les ride back sont étranges, ca ressemble à des motos transformers avec des bras)... C'est ce que j'avais compris, mais je l'ai pleinement réalisé au dernier épisode... Et toute ma frustration est partie quand j'ai vu ça de mes yeux. "J'ai été con" ais-je pensé. "C'était évident que ça pouvait pas être autrement"... Ne reste que l'éblouissement, qui marche même de manière rétroactive.
Pfiou... ... (...) ... ...
...
Hum... Bon, ben du coup, on va se demander à quoi sert tout le reste. Pourquoi nous coller un scénar aussi cosmopolite s'il ne sert à rien d'autre qu'à montrer que l'héroine s'en fout totalement? Et si elle s'en fout, pourquoi ca devrait nous intéresser? Enfin, poser ces questions n'arrange pas mon problème ici. Même quand j'y aurai répondu, je vois bien qu'il y aurait tant à dire sur "Ride Back" que je pourrais en faire des pages, des pages, et encore des pages, sans jamais en finir. Je vais essayer de choisir des plans d'attaque parmi d'autres, et de ne pas m'étendre à l'excès... Déjà, pour ces questions...
Je serais tenté de dire que ce background d'anime d'action mensonger sert à accrocher, mais c'est faux, puisque les premières minutes de l'anime, lentes et déjà magiques, se déroulent sur une scène d'un grand théâtre au milieu d'un ballet. On pourrait dire que c'est pour éviter de raser avec un sujet mièvre, mais franchement, d'autres animes ont fait bien pire dans le mièvre, et sans se forcer. Non, j'ai surtout l'impression vague que tout cela sert à illustrer la vraie personnalité de Ogata, et je vais essayer d'étayer. Le monde est chamboulé récemment, mais... son monde a elle s'est effondré le jour d'un violent séisme il y a déjà des années. Au delà de ces gens qui l'ont entourée, et l'entourent encore dans ces moments difficiles, qui participent à son (trés) fragile équilibre, et dont elle a un besoin capital, le reste, sans pour autant ne pas avoir de valeur intrinsèque, lui est totalement extérieur. Elle vit dans son univers, un peu dans le présent, beaucoup dans le passé. Les évenements extérieurs qui ne sont pas liés à ces fondamentaux qui la font tenir ont autant d'effet sur elle que du Baygon vert sur un gang de Ragondins... Et du coup, tout ce qui se passe, tout ce qui entraine tous ces gens malgré eux dans des événements de grande ampleur... ne semblent pas suffire à l'entrainer elle, quand bien meme elle pourrait sembler "destinée" à y prendre part. C'est assez fou, et ça peut même gonfler si on ne comprend pas qui est Ogata. Elle a une espèce de lucidité fataliste, semblant la convaincre qu'il y a des choses contre lesquelles elle ne peut rien et qui ne sont de toute manière pas de son ressort, et que le mieux à faire pour elle, c'est de s'efforcer de s'en sortir au mieux quel que soit le contexte. C'est la légende du roseau qui plie... Mais le genre de roseau qui vit dans le passé.
Mais ne nous y trompons pas, car ce contexte dont je parle la jettera malgré tout dans des situations de non choix (puisque déterminés par ce passé, comme montré plus haut), ou elle devra agir pour protéger le peu qui lui importe encore vraiment. Et non seulement ça va la foutre dans une merde noire, mais en plus, ses quelques exploits vont agir comme le petit caillou qui va peu à peu entrainer l'avalanche bouleversant la situation générale du Japon; mais ce sera évidemment totalement involontaire, vous l'aurez compris. En clair, elle a de la volonté, du courage, et aussi une opinion tranchée sur ce qui la concerne et... le reste. J'ai même l'impression qu'elle se fout un peu de son propre devenir. Maintenant que j'ai dit tout ça, je trouve que ce personnage est non seulement trés humain, mais aussi trés fouillé et même crédible. Vous attendez pas à voir Kamijyou Touma en elle (putain lui, je vous jure... C'est MA référence du gros con, ca va finir par se savoir). En tout cas, le personnage est complexe, pas toujours facile à comprendre, et faut se creuser un peu pour suivre sa logique. La lumière apportée par fuego devient alors une fausse lumière, de celle qui vient des flammes de la destruction plutôt que de l'illumination par la grâce.
Ce qui est sûr, c'est que cette fille ne trouvera jamais une totale sérénité. Elle ne pourra jamais retrouver ce qui est perdu, et on se demande si elle sera capable d'aller vers autre chose pour trouver un nouvel équilibre, au lieu de courir aprés l'ancien. Le dernier épisode, assez poétique à ses heures, semble montrer un possible compromis, passant par l'acceptation d'une lumière imparfaite et le déni de sa chaleur corruptrice. Mais tout ça est il bien viable? "je veux prendre du plaisir comme tu le fais" disait-elle à Katoaka la championne. Le pourra t-elle? A vous de vous faire votre idée en regardant.
Je pense que je ne vais pas m'étendre sur les autres personnages, tant j'ai l'impression qu'ils ont pour la plupart été construits autour de la protagoniste, pour compléter ou etayer son profil, ou provoquer des éléments scénaristiques appuyant la démonstration concernant sa véritable personnalité. Disons que pris indépendamment, ils sont assez bien foutus, imparfaits, à la fois forts et faibles, comme tout humain qui se respecte. A ce niveau, je signale que le chara design peut déstabiliser un peu au début. Mais je trouve qu'on s'y fait vite. Et je vais finir par quelques mots sur l'emballage visuel...
2009 donc... C'est franchement bien foutu. Y a vraiment pas grand chose à jeter. Les effets sont réussis, le rythme varie quand il le faut, même si on se dit que contraster plus les scènes aurait pas forcément été une mauvaise idée. De même toutes les scènes mettant "le conflit" en scène ne sont pas super fouillées. Ca fonctionne plus avec des plans basiques, voire des vues d'ensemble statiques. L'exception notable étant tout ce qui concerne le pilotage d'Ogata. Mais on ne sera pas surpris par ce soin limité accordé à ces scènes. Si "Ride Back" vit par et pour son héroïne, apportant tout le soin nécessaire à chaque aspect de la série la concernant, ça n'est pas un anime d'action, de SF, de guerre, ou un thriller quelconque. Et du coup, tout s'explique. Ne venez pas ici pour la baston. Pour le reste, découpage, cadrages, dessins, designs, couleur, animation, c'est vraiment du haut niveau, même de nos jours.
Finalement, si j'ai pu être déçu par certaines productions Madhouse ces dernières années dont j'ai même oublié le nom, je retrouve avec "Ride Back" tout ce que j'ai aimé dans ce talentueux studio: un univers, des personnages solides, une vraie histoire, des enjeux pas premier degré, une réalisation et une technique au poil, de la prise de risque,... Ne serait-ce que dans les OP+ED, pas spécialement conventionnels non plus, mais bien top tous les deux. Pour des raisons vagues, j'ai retrouvé à un certain degré cette "couleur grand anime" que j'avais ressentie dans certains chefs d'oeuvre de l'animation japonnaise des années 80 et 90, de ceux qui ont fait connaitre le genre à travers le monde. Mais ici, comme pour la majorité de cette critique, ça reste un ressenti subjectif qui ne sera peut être pas partagé. Certains n'aimeront pas, j'en doute pas. Cette oeuvre semble "facile" au premier abord, mais s'arrêter sur cette impression pourra décevoir le spectateur qui ne prêtera pas assez attention à certains aspects secondaires de l'anime. Je ne sais pas à quel point mon analyse est juste ou fausse. Mais j'espère en tout cas que cette critique aidera certains à apprécier au mieux cette superbe série.
9,5/10: et pas 10, parce que le rythme et d'autres détails auraient pu être plus efficaces. Aprés, bien sûr, ça n'aurait pas forcément servi le propos aussi bien...